L’éclosion d’une nouvelle discipline scientifique : l’enthéobotanique, Vincent Wattiaux,

L’éclosion d’une nouvelle discipline scientifique: l’enthéobotanique

Vincent WATTIAUX

http://liberterre.fr/entheogenes/recherches-modernes/vincentwattiaux.html

 

« Dieu est une substance, une drogue ! » Gottfried BENN

En 1967 quand le paléontologue Yves Coppens et son équipe découvrirent en Ethiopie le squelette d’une Australopithèque, ils la baptisèrent Lucie à cause d’une chanson des Beatles diffusée sans cesse à la radio. Cette rengaine, Lucy in the Sky with Diamonds faisait directement allusion au LSD, la drogue hallucinogène la plus puissante jamais inventée (1). L’association, Lucie et le LSD, née du hasard ou d’un retour du refoulé collectif (?), aurait valeur d’oracle… En effet, une discipline scientifique flambant neuve, l’enthéobotanique (2) allait poser une question fondamentale : à l’aube de l’humanité, le phénomène religieux ou spirituel a-t-il pu naître de la consommation de drogues hallucinogènes
naturelles, et précisément de champignons ?

En d’autres mots, après Galilée, Darwin et Freud, un certain Wasson a-t-il déclenché ce qui pourrait devenir une quatrième révolution copernicienne ?

Le 10 juin 1957, Life Magazine publie un article de 17 pages d’un Américain alors inconnu, Robert Gordon WASSON, intitulé Seeking the Magic Mushroom.
C’est une bombe à retardement dont l’onde de choc se mesure aujourd’hui seulement. Depuis une trentaine d’années, Wasson et son épouse russe (Valentina Pavlovna) s’étaient pris de passion pour les champignons dans leurs manifestations culturelles, et plus encore pour les espèces hallucinogènes.
Leur papier dans Life Magazine relate leur (re-) découverte en juin 1955 de l’utilisation de champignons
hallucinogènes dans un village indien des lointaines montagnes de l’Etat d’Oaxaca, au Mexique. Les Wasson décrivent un culte d’adoration des champignons tout empreint d’un syncrétisme religieux mêlant des éléments chrétiens au substrat indien. Ils assistent, et participent en absorbant eux aussi des psilocybes, à plusieurs veladas (scènes de voyance thérapeutique par les champignons) sous la conduite d’une curandera (« guérisseuse ») qui connaîtra une célébrité involontaire, la Mazatèque Maria Sabina (3). Le grand mycologue Roger Heim, alors directeur du Museum d’Histoire Naturelle de Paris, accompagne Wasson et identifie plusieurs espèces nouvelles de champignons, comme le Psilocybe Aztecorum Heim.

Toujours en 1957, les éditions Pantheon Books éditent le premier livre de Wasson, à savoir l’ouvrage fondateur d’une discipline neuve, l’ethnomycologie (qui deviendra l’enthéobotanique) : Mushrooms, Russia and History (4).

L’article de juin 57 et le livre déclenchent un intérêt pour les champignons hallucinogènes qui s’amplifiera sans cesse. La CIA s’en sert pour pratiquer des expériences sur “cobayes” involontaires, avec des objectifs militaires. Les sixties voient l’explosion de la consommation des drogues dites “psychédéliques” et les mesures d’interdiction qui suivent. Les milieux “psy” s’y intéressent dans un but thérapeutique. Sans omettre le très médiatique Timothey Leary qui, tout farfelu qu’il fût, soulève de beaux lièvres : «Les drogues sont la religion du XXIme siècle », « Nous considérons le LSD de la même façon qu’un prêtre catholique considère une hostie », « le royaume des cieux est en vous », etc (5).

Dix ans plus tard, R.G. Wasson expose une de ses thèses les plus fondamentales et qui ne laisse aujourd’hui plus aucun doute (6) ; elle est particulièrement convaincante car très solidement argumentée : le fameux Soma de l’Inde védique, cette plante “enivrante” et breuvage d’immortalité célébré dans les hymnes du Rig Véda était un champignon : l’Amanite tue-mouches (Amanita muscaria) (7). Cet agaric, connu de tous, s’avère psychotrope et hallucinogène. Au départ de cette découverte, Wasson produit une série de travaux plus pertinents les uns que les autres.

(…)

vincent