Textes – Recueil du Bon Plant, François Olivier Gagnon-Hébert, 2019

Textes – Recueil du Bon Plant

François Olivier Gagnon-Hébert

2019

 

Titre : Pas de panique ! Le cannabis était là avant nous… et il le sera sûrement encore après nous.

 

Le cannabis, ce n’est pas le nom d’un poison, ni d’une drogue pharmaceutique. Ce n’est pas non plus un mot inventé par les politiciens pour faire peur ou pour influencer les résultats d’un concours de popularité à l’échelle du pays. Le cannabis peut être bien des choses pour bien des personnes, mais avant même d’être le démon incarné qui rend les mœurs légères, et avant même d’être le prochain remède holistique à tous les maux imaginables, le cannabis est d’abord et avant tout, de manière très simple, une plante herbacée annuelle qui produit de jolies fleurs composées et qui tire son origine ancestrale du plateau tibétain (McPartland et al. 2019). En fin de compte, chers compatriotes humanoïdes, le cannabis c’est une bonne vieille plante à fleurs ! Personnellement, par déformation professionnelle, je préfère affirmer qu’il s’agit d’un organisme eucaryote végétal appartenant au groupe taxonomique des angiospermes. Mais dans l’absolu, ce détail est vraiment impertinent. Je pense que l’idée que je tente maladroitement de formuler, c’est qu’avant de comprendre l’impact qu’une plante comme le cannabis peut avoir sur la biologie humaine, il est, à mon humble avis, hautement indiqué de comprendre d’où elle provient et pourquoi elle persiste dans nos cultures.

 

C’est drôle parce qu’à entendre le discours des technocrates déconnectés qui dictent les règles et les lois de nos sociétés, la plante de cannabis est traitée comme une nouvelle entité dont on ne sait trop quoi faire. Pourtant, vous n’avez qu’à demander à Dame Nature, elle vous le dira elle : le cannabis est sans doute l’une des plus vieilles plantes à avoir été domestiquée par l’humain et ce, à des fins nutritives, médicinales, spirituelles et sociales, quatre dimensions fondamentales et complémentaires de nos sociétés (Chandra, Lata & ElSohly 2017). D’un point de vue génétique, la plante sœur la plus proche du cannabis est en fait le houblon (Humulus lupulus). Le houblon et le cannabis ont commencé à diverger l’un de l’autre pour former des espèces distinctes il y a environ 20 à 70 millions d’années (McPartland et al. 2019). Les données archéologiques démontrent que les premiers usages de la plante remontent à environ 15 000 à 20 000 ans avant notre ère, époque à laquelle la plante aurait pu connaître un essor formidable dans le sol riche des sites de dépôt de restes de nourriture des sociétés de chasseurs-cueilleurs (Small 2015). Fait intéressant : la domestication du cannabis concorde avec le début de l’ère agricole et de la sédentarisation de nos sociétés. Comme quoi les humains pourraient avoir appris à cultiver des plantes en cultivant d’abord du cannabis, ce qui aurait ensuite permis le développement d’une myriade de connaissances essentielles au développement des civilisations humaines. Et je parie que cette vieille complice de l’humanité en a encore beaucoup à nous apprendre !

 

Ce que tout ça implique, c’est que la plante existait déjà à l’état sauvage, là où les premiers humains ont commencé à l’utiliser et la transformer, et que par conséquent, en la domestiquant, ces sociétés humaines l’ont considérablement modifié et adapté à leur réalité, leurs besoins et leurs préférences. Vous savez ce qui est beau là-dedans ? C’est qu’en même temps qu’on transformait la plante, la plante nous transformait en retour, dans une danse évolutive incessante qui nous a marqué à jamais. Le cannabis, avant toute autre chose, c’est une richesse biologique que l’humanité a naturellement et humblement cultivée pendant des millénaires. Peut-être qu’avant de rejeter les connaissances et pratiques culturelles des sociétés qui nous ont précédé, il aurait fallu observer et écouter la plante. On aurait vite compris que la prohibition était inutile, gaspilleuse et méprisante. Ouvrons notre esprit et retrouvons cette relation intime que l’humanité a cultivé et partagé pendant longtemps avec cet être vivant. Après tout, si elle persiste depuis si longtemps à si grande échelle sur la planète, c’est parce que quoi que vous en pensiez, la plante fait partie de l’humanité et l’humanité fait partie de la plante.

 

Abel, E. 1980. Marihuana: The First Twelve Thousand Years. New York: Plenum Press.

Chandra et al. (2017). Cannabis sativa L.: Botany and Horticulture. Springer. Cham, Suisse. 474p.

McPartland et al. (2019). Veg His Arch, 88(1515), 1–12.

Small, E. (2015). Evolution and Classification of Cannabis sativa (Marijuana, Hemp) in Relation to Human Utilization. The Botanical Review, 81(3), 189–294.