Opioïdes : le cannabidiol pour réduire la dépendance ?, RESPADD, Actualités des Addictions n°100, juillet 2019

Opioïdes  : le cannabidiol pour réduire la dépendance ?

Le cannabidiol (CBD) réduit le craving et l’anxiété chez les personnes ayant des antécédents d’abus d’héroïne/opioïdes, suggérant un rôle possible du cannabis ou de son agent le cannabidiol dans la réduction de la dépendance aux opioïdes. C’est la conclusion de cette étude réalisée à l’Icahn School of Medicine du Mont Sinaï (New York), présentée dans l’American Journal of Psychiatry. L’étude confirme également les effets anti-stress du CBD avec une baisse de la fréquence cardiaque et du taux de cortisol induites par les stimuli de drogues.

 

La grande disponibilité des opioïdes sur prescription ces 10 dernières années, a entraîné une épidémie sans précédent, impliquant plus de 300 000 décès aux seuls Etats-Unis. En dépit de ce bilan stupéfiant, des options limitées de traitements anti-douleur, non opioïdes ont été développées. La méthadone et la buprénorphine sont deux thérapies de substitution aux opioïdes qui agissent sur les mêmes récepteurs opioïdes (récepteurs mu) que l’héroïne et d’autres agonistes opioïdes puissants. Cependant, ces médicaments, à la fois stigmatisés et associés à un risque de dépendance, sont soumis à une réglementation gouvernementale stricte et sont donc sous-utilisés par les millions de personnes chez lesquelles un trouble de l’usage des opioïdes est diagnostiqué. Une telle « lacune » souligne la nécessité urgente de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques qui ne ciblent pas le récepteur opioïde mu.

Afin de répondre au besoin critique de nouvelles options de traitement pour les millions de personnes et de familles touchées par la crise des opioïdes, l’équipe du Mont Sinaï a mené cette étude sur la capacité d’un cannabinoïde, le CBD, à inhiber ce besoin impérieux et l’anxiété chez les personnes dépendantes aux opioïdes. L’auteur principal, le Dr Yasmin Hurd, professeur de neurosciences translationnelles confirme ici « les effets spécifiques du CBD sur la réduction de ce besoin impérieux d’opioïdes et sur l’anxiété et son rôle prometteur dans de nouvelles formes de traitements de la dépendance ».

Le CBD réduit de manière significative à la fois l’état de manque et l’anxiété : de précédentes études menées par la même équipe, chez des animaux ayant des antécédents d’auto-administration d’opioïdes (ici d’héroïne), ont montré que le CBD réduit la tendance des animaux à consommer de l’héroïne en réponse à un stimuli associé à la substance. L’équipe a donc mené une série d’études cliniques chez l’Homme, auprès de 42 participants, à double insu, randomisée et contrôlée par placebo. L’objectif était d’explorer les phases aiguës (1 heure, 2 heures et 24 heures), de courte durée (3 jours consécutifs) et de longue durée (7 jours après la dernière administration quotidienne) des effets de l’administration de CBD sur l’état de manque et l’anxiété chez les toxicomanes présentant un trouble de la consommation d’opioïdes.

Au cours de l’étude, 42 hommes et femmes n’ayant pas pris de médicament ont donc été répartis au hasard pour recevoir 400 mg ou 800 mg d’une solution orale de CBD ou d’un placebo. Les participants ont ensuite été exposés à des signaux neutres et liés aux opioïdes au cours de 3 séances : immédiatement après l’administration, 24 heures après l’administration du CBD ou du placebo et 7 jours après la troisième et dernière administration quotidienne de CBD ou de placebo. Les signaux neutres consistaient en une vidéo de 3 minutes montrant des scénarii relaxants, tels que des scènes de la nature, tandis que des signaux liés à la substance comprenaient une vidéo de 3 minutes montrant des scènes de consommation. Des mesures du besoin impérieux d’opioïdes, de l’anxiété, des effets positifs et négatifs et des signes vitaux (température de la peau, tension artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire et saturation en oxygène) ont été obtenues à différents moments de l’expérience.

L’expérience montre que le CBD, contrairement au placebo,

  • réduit de manière significative à la fois l’état de manque et l’anxiété induits par les stimuli ;
  • entraîne des effets prolongés et significatifs sur ces mesures 7 jours après la dernière exposition à court terme ;
  • réduit les mesures physiologiques de la fréquence cardiaque et du taux de cortisol salivaire induites par le stimuli ;
  • n’induit aucun effet remarquable sur la cognition et aucun événement indésirable grave.

L’étude suggère donc que le CBD est très prometteur pour le traitement des personnes souffrant d’un trouble de la consommation d’héroïne ou d’opioïdes. « Un médicament non-opioïde efficace viendrait avantageusement compléter la panoplie d’outils existants pour le traitement de la dépendance et permettrait de réduire le nombre croissant de décès liés à cette épidémie persistante d’opioïdes ».

https://www.eurekalert.org/pub_releases/2019-05/tmsh-crc051519.php